Migrations de structure de données
Dans cette section, nous allons voir comment fonctionnent les migrations. Lors d’une première approche, elles peuvent sembler un peu magiques, puisqu’elles centralisent un ensemble de modifications pouvant être répétées sur un schéma de données, en tenant compte de ce qui a déjà été appliqué et en vérifiant quelles migrations devaient encore l’être pour mettre l’application à niveau. Une analyse en profondeur montrera qu’elles ne sont pas plus complexes à suivre et à comprendre qu’un ensemble de fonctions de gestion appliquées à notre application.
Prenons l’exemple de notre liste de livres; nous nous rendons (bêtement) compte que nous avons oublié d’ajouter un champ de description
à une liste.
Historiquement, cette action nécessitait l’intervention d’un administrateur système ou d’une personne ayant accès au schéma de la base de données, à partir duquel ce-dit utilisateur pouvait jouer manuellement un script SQL.
Cet enchaînement d’étapes nécessitait une bonne coordination d’équipe, mais également une bonne confiance dans les scripts à exécuter.
Et souvenez-vous (cf. ref-à-insérer), que l’ensemble des actions doit être répétable et automatisable.
Bref, dans les années ’80, il convenait de jouer ceci après s’être connecté au serveur de base de données:
ALTER TABLE Book ADD COLUMN Description nvarchar(MAX);
Et là, nous nous rappelons qu’un client tourne sur Oracle et pas sur MySQL, et qu’il a donc besoin de son propre script d’exécution, parce que le type du nouveau champ n’est pas exactement le même entre deux moteurs différents:
-- FirebirdALTER TABLE Category ALTER COLUMN Name type varchar(2000)
-- MSSQLALTER TABLE Category ALTER Column Name varchar(2000)
-- OracleALTER TABLE Category MODIFY Name varchar2(2000)
En bref, les problèmes suivants apparaissent très rapidement:
- Manque d’autonomie: il est nécessaire d’avoir les compétences d’une personne tierce pour avancer ou de disposer des droits administrateurs,
- Manque d’automatisation possible, à moins d’écrire un programme, qu’il faudra également maintenir et intégrer au niveau des tests
- Nécessité de maintenir des scripts différents, en fonction des moteurs de base de données supportés
- Manque de vérification si un script a déjà été exécuté ou non, à moins, à nouveau, de maintenir un programme ou une table supplémentaire.
- Risque de tout casser : ajouter ou étendre un champ (non nullable ou n’ayant pas de valeur par défaut), ajouter une nouvelle table, … sont des opérations rétro-compatibles - ce qui n’est pas le cas des suppressions (de champs, de tables) - cf.
Fonctionnement général
Le moteur de migrations résout la plupart de ces soucis: le framework embarque ses propres applications, dont les migrations, qui gèrent elles-mêmes l’arbre de dépendances entre les modifications qui doivent être appliquées.
Pour reprendre un de nos exemples précédents, nous avions créé un modèle contenant deux classes, qui correspondent chacun à une table dans un modèle relationnel:
class Category(models.Model): name = models.CharField(max_length=255)
class Book(models.Model): title = models.CharField(max_length=255) category = models.ForeignKey(Category, on_delete=models.CASCADE)
Nous avions ensuite modifié la clé de liaison, pour permettre d’associer plusieurs catégories à un même livre, et inversément:
class Category(models.Model): name = models.CharField(max_length=255)
class Book(models.Model): title = models.CharField(max_length=255) category = models.ManyManyField(Category, on_delete=models.CASCADE)
Chronologiquement, cela nous a donné ces étapes-ci :
- Une première migration consistant à créer le modèle initial
- Suivie d’une seconde migration après que nous ayons modifié le modèle pour autoriser des relations multiples
from django.db import migrations, modelsimport django.db.models.deletion
class Migration(migrations.Migration): initial = True dependencies = [] operations = [ migrations.CreateModel( name="Category", fields=[ ( "id", models.BigAutoField( auto_created=True, primary_key=True, serialize=False, verbose_name="ID", ), ), ("name", models.CharField(max_length=255)), ], ), migrations.CreateModel( name="Book", fields=[ ( "id", models.BigAutoField( auto_created=True, primary_key=True, serialize=False, verbose_name="ID", ), ), ( "title", models.CharField(max_length=255) ), ( "category", models.ForeignKey( on_delete=django.db.models.deletion.CASCADE, to="library.category", ), ), ], ), ]
- La migration crée un nouveau modèle intitulé
Category
, possédant un champid
(auto-défini, puisque nous n’avons rien fait), ainsi qu’un champname
de type texte et d’une longue maximale de 255 caractères. - Elle crée un deuxième modèle intitulé “Book”, possédant trois champs: son identifiant auto-généré
id
, son titretitle
et sa relation vers une catégorie, au travers du champcategory
.
Un outil comme DB Browser For SQLite nous donne la structure suivante:
La représentation au niveau de la base de données est la suivante:
class Category(models.Model): name = models.CharField(max_length=255)
class Book(models.Model): title = models.CharField(max_length=255) category = models.ManyManyField(Category)
Vous noterez que l’attribut on_delete
n’est plus nécessaire.
Après cette modification, la migration résultante à appliquer correspondra à ceci.
En SQL, un champ de type ManyToMany
ne peut qu’être représenté par une table intermédiaire.
Ce qu’applique la migration en supprimant le champ liant initialement un livre à une catégorie et en ajoutant une nouvelle table de liaison.
from django.db import migrations, models
class Migration(migrations.Migration): dependencies = [ ('library', '0001_initial'), ] operations = [ migrations.RemoveField( model_name='book', name='category', ), migrations.AddField( model_name='book', name='category', field=models.ManyToManyField(to='library.Category'), ), ]
- La migration supprime l’ancienne clé étrangère …
- … et ajoute une nouvelle table, permettant de lier nos catégories à nos livres.
Nous obtenons à présent la représentation suivante en base de données:
Graph de dépendances
Lorsqu’une migration applique une modification au schéma d’une base de données, il est évident qu’elle ne peut pas être appliquée dans n’importe quel ordre ou à n’importe quel moment.
Dès la création d’un nouveau projet, avec une configuration par défaut et même sans avoir ajouté d’applications, Django proposera immédiatement d’appliquer les migrations des applications admin, auth, contenttypes et sessions, qui font partie du coeur du système, et qui se trouvent respectivement aux emplacements suivants:
- admin:
site-packages/django/contrib/admin/migrations
- auth:
site-packages/django/contrib/auth/migrations
- contenttypes:
site-packages/django/contrib/contenttypes/migrations
- sessions:
site-packages/django/contrib/sessions/migrations
Ceci est dû au fait que, toujours par défaut, ces applications sont reprises au niveau de la configuration d’un nouveau projet, dans le fichier settings.py
:
[snip]
INSTALLED_APPS = [ 'django.contrib.admin', 'django.contrib.auth', 'django.contrib.contenttypes', 'django.contrib.sessions', 'django.contrib.messages', 'django.contrib.staticfiles', ]
[snip]
Dès que nous les appliquerons, nous recevrons les messages suivants:
$ python manage.py migrate
Operations to perform:Apply all migrations: admin, auth, contenttypes, library, sessions, worldRunning migrations:Applying contenttypes.0001_initial... OKApplying auth.0001_initial... OKApplying admin.0001_initial... OKApplying admin.0002_logentry_remove_auto_add... OKApplying admin.0003_logentry_add_action_flag_choices... OKApplying contenttypes.0002_remove_content_type_name... OKApplying auth.0002_alter_permission_name_max_length... OKApplying auth.0003_alter_user_email_max_length... OKApplying auth.0004_alter_user_username_opts... OKApplying auth.0005_alter_user_last_login_null... OKApplying auth.0006_require_contenttypes_0002... OKApplying auth.0007_alter_validators_add_error_messages... OKApplying auth.0008_alter_user_username_max_length... OKApplying auth.0009_alter_user_last_name_max_length... OKApplying auth.0010_alter_group_name_max_length... OKApplying auth.0011_update_proxy_permissions... OKApplying auth.0012_alter_user_first_name_max_length... OKApplying sessions.0001_initial... OK
Cet ordre est défini au niveau de la propriété dependencies
, que l’on retrouve au niveau de chaque description de migration.
En explorant les paquets qui se trouvent au niveau des répertoires et en analysant les dépendances décrites au niveau de chaque action de migration, on arrive au schéma suivant, qui est un graph dirigé acyclique:
Sous le capot
Une migration consiste à appliquer un ensemble de modifications (ou opérations), qui exercent un ensemble de transformations, pour que le schéma de base de données corresponde au modèle de l’application sous-jacente.
Les migrations (comprendre les “migrations du schéma de base de données”) sont intimement liées à la représentation d’un contexte fonctionnel : l’ajout d’une nouvelle information, d’un nouveau champ ou d’une nouvelle fonction peut s’accompagner de tables de données à mettre à jour ou de champs à étendre.
Il est primordial que la structure de la base de données corresponde à ce à quoi l’application s’attend, sans quoi la probabilité que l’utilisateur tombe sur une erreur de type django.db.utils.OperationalError
est (très) grande.
Typiquement, après avoir ajouté un nouveau champ summary
à chacun de nos livres, et sans avoir appliqué de migrations, nous tombons sur ceci :
>>> from library.models import Book>>> Book.objects.all()Traceback (most recent call last): File "~/Sources/.venvs/gwlib/lib/python3.9/site-packages/django/db/backends/utils.py", line 85, in _execute return self.cursor.execute(sql, params) File "~/Sources/.venvs/gwlib/lib/python3.9/site-packages/django/db/backends/sqlite3/base.py", line 416, in execute return Database.Cursor.execute(self, query, params)sqlite3.OperationalError: no such column: library_book.summary
Pour éviter ce type d’erreurs, il est impératif que les nouvelles migrations soient appliquées avant que le code ne soit déployé; l’idéal étant que ces deux opérations soient réalisées de manière atomique, avec un rollback si une anomalie était détectée. Plusieurs stratégies peuvent être appliquées:
TODO intégrer ici un point sur les updates db - voir designing data-intensive applications.
Toujours dans une optique de centralisation, les migrations sont directement embarquées au niveau du code, et doivent faire partie du dépôt central de sources. Le développeur s’occupe de créer les migrations en fonction des actions à entreprendre; ces migrations peuvent être retravaillées, squashées, … et feront partie intégrante du processus de mise à jour de l’application.
A noter que les migrations n’appliqueront de modifications que si le schéma est impacté. Ajouter une propriété related_name
sur une ForeignKey n’engendrera aucune nouvelle action de migration, puisque ce type d’action ne s’applique que sur l’ORM, et pas directement sur la base de données: au niveau des tables, rien ne change.
Seul le code et le modèle sont impactés.
Une migration est donc une classe Python, présentant a minima deux propriétés:
dependencies
, qui décrit les opérations précédentes devant obligatoirement avoir été appliquéesoperations
, qui consiste à décrire précisément ce qui doit être exécuté.
Pour reprendre notre exemple d’ajout d’un champ description
sur le modèle WishList
, la migration ressemblera à ceci:
from django.db import migrations, modelsimport django.db.models.deletionimport django.utils.timezone
class Migration(migrations.Migration): dependencies = [ ('gwift', '0004_name_value'), ] operations = [ migrations.AddField( model_name='wishlist', name='description', field=models.TextField(default="", null=True) preserve_default=False, ), ]
Liste des migrations appliquées
L’option showmigrations
de manage.py
permet de lister toutes les migrations du projet, et d’identifier celles qui n’auraient pas encore été appliquées:
$ python manage.py showmigrationsadmin [X] 0001_initial [X] 0002_logentry_remove_auto_add [X] 0003_logentry_add_action_flag_choicesauth [X] 0001_initial [X] 0002_alter_permission_name_max_length ... [X] 0011_update_proxy_permissions [X] 0012_alter_user_first_name_max_lengthcontenttypes [X] 0001_initial [X] 0002_remove_content_type_namelibrary [X] 0001_initial [X] 0002_remove_book_category_book_category [ ] 0003_book_summarysessions [X] 0001_initial
Nous voyons que parmi toutes les migrations déjà enregistrées au niveau du projet, seule la migration 0003_book_summary
n’a pas encore été appliquée sur ce schéma-ci.
Squash
Finalement, lorsque vous développez sur votre propre branche (cf. link:#git[???]), vous serez peut-être tentés de créer plusieurs migrations en fonction de l’évolution de ce que vous mettez en place.
Dans ce cas précis, il peut être intéressant d’utiliser la méthode squashmigrations
, qui permet d’aplatir plusieurs fichiers en un seul.
Nous partons dans deux migrations suivantes :
from django.db import migrations, models
class Migration(migrations.Migration): dependencies = [ ('library', '0001_initial'), ] operations = [ migrations.RemoveField( model_name='book', name='category', ), migrations.AddField( model_name='book', name='category', field=models.ManyToManyField(to='library.Category'), ), ]
from django.db import migrations, models
class Migration(migrations.Migration): dependencies = [ ('library', '0002_remove_book_category_book_category'), ] operations = [ migrations.AddField( model_name='book', name='summary', field=models.TextField(blank=True), ), ]
La commande python manage.py squashmigrations library 0002 0003
appliquera une fusion entre les migrations numérotées 0002
et 0003
:
$ python manage.py squashmigrations library 0002 0003
Will squash the following migrations:- 0002_remove_book_category_book_category- 0003_book_summaryDo you wish to proceed? [yN] y
Optimizing...
No optimizations possible.
Created new squashed migration/home/fred/Sources/gwlib/library/migrations/0002_remove_book_category_book_category_squashed_0003_book_summary.py
You should commit this migration but leave the old ones in place;the new migration will be used for new installs. Once you are sureall instances of the codebase have applied the migrations you squashed,you can delete them
Dans le cas où vous développez proprement (bis), il est sauf de purement et simplement supprimer les anciens fichiers; dans le cas où il pourrait exister au moins une instance ayant appliqué ces migrations, les anciens ne peuvent surtout pas être modifiés.
Nous avons à présent un nouveau fichier intitulé 0002_remove_book_category_book_category_squashed_0003_book_summary
:
$ cat library/migrations/0002_remove_book_category_book_category_squashed_0003_book_summary.py
# Generated by Django 4.0.3 on 2022-03-15 18:01
from django.db import migrations, models
class Migration(migrations.Migration): replaces = [ ('library', '0002_remove_book_category_book_category'), ('library', '0003_book_summary')] dependencies = [ ('library', '0001_initial'), ] operations = [ migrations.RemoveField( model_name='book', name='category', ), migrations.AddField( model_name='book', name='category', field=models.ManyToManyField(to='library.category'), ), migrations.AddField( model_name='book', name='summary', field=models.TextField(blank=True), ), ]
Réinitialisation de migrations
En résumé:
- Soit on supprime toutes les migrations (en conservant le fichier
__init__.py
) - Soit on réinitialise proprement les migrations avec un
–fake-initial
(sous réserve que toutes les personnes qui utilisent déjà le projet s’y conforment…Ce qui n’est pas gagné.